Séparation avec un Manipulateur | Que vivent les femmes face à la justice ?
Pourquoi la justice se retourne-t-elle souvent contre les femmes en cas de séparation avec un manipulateur ?
Les cas où la justice a fait son travail correctement arrivent rarement dans mon bureau de consultation. C’est souvent par désespoir et après maintes tentatives infructueuses d’obtenir justice que les femmes qui se séparent d’un manipulateur viennent me consulter. Certaines fois, le système judiciaire s’est complètement retourné contre elles. Et, pire encore, leurs enfants sont les victimes collatérales d’un système qui est rigide, figé et embourbé dans le fameux « conflit parental non résolu ». Les mères se retrouvent fauchées, épuisées et inquiètes pour leur famille, désespérées qu’on ne reconnaisse ni leur souffrance, ni celle de leurs enfants. Malheureusement, force est de constater que le système continue à aggraver des situations déjà dramatiquement dangereuses. Pourquoi la justice se retourne-t-elle souvent contre les femmes en cas de séparation avec un manipulateur ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Voici 5 pistes pour répondre à la question !
Qui suis-je pour écrire cet article sur la séparation avec un manipulateur ?
12 ans aux côtés de victimes de manipulateurs : séparations difficiles, violences physiques et psychologiques, enfants maltraités, abus, viols, emprise, destruction massive… J’en ai eu, face à moi, des femmes détruites, anéanties et exsangues.
Séance après séance, nous formons une équipe pour leur reconstruction. Nous naviguons entre l’accompagnement de crise, l’accompagnement permettant la reconstruction et celui durant lequel je transmets des outils aux mères afin d’aider leurs enfants au quotidien.
Ça en fait des choses à faire en quelques séances. Nous travaillons de tout notre cœur et nous réunissons nos forces pour redonner des couleurs à la vie de ces femmes tellement abîmées…
Par cet article, je souhaite simplement amener à la réflexion sur certains points et faire écho à une souffrance que je côtoie tous les jours. J’en profite, avant de développer, pour vous dire qu’une conférence sur le sujet aura lieu le 5 septembre prochain.
Piste 1 : la justice manque de temps pour y voir clair
Il y a quelques années, lors d’une conférence donnée à Liège, le problème de la justice a évidemment été abordé au moment des questions/réponses. Les mêmes propos reviennent inlassablement : la justice ne comprend rien, ne voit pas clair et se fait manipuler. Tout ceci est vrai dans beaucoup de cas.
Lors de cette conférence, une dame est intervenue en disant : « Combien de temps avez-vous mis pour vous rendre compte que vous étiez dans une relation toxique, aux prises avec un manipulateur ? » Je dois dire que j’ai été bluffée ! Elle avait tout à fait raison. Comment la justice, en si peu de temps, se retrouvant coincée entre les accusations des deux parties, peut-elle voir clair ? Alors que pour certaines victimes, la prise de conscience ne vient qu’après quelques années…
Je ne tiens pas ces propos pour défendre le système judiciaire, je suis bien trop fâchée contre lui pour le faire. Mais cette phrase, rangée dans un coin de ma tête, me permet parfois d’être un peu moins en colère et, surtout, de construire une stratégie plus efficace avec les femmes que j’accompagne.
Piste 2 : le système judiciaire manque de moyens
Débordé, fauché, dépassé, épuisé… Voilà, aussi, dans quel état se trouve le système judiciaire dans bien des pays ! En Belgique et en France, c’est certainement le cas. Le manque de moyens impose une charge de travail inhumaine à des personnes parfois de très bonne volonté, mais qui se retrouvent rattrapées par une quantité de travail impossible à accomplir comme il se doit dans des conditions aussi déplorables.
Il m’est arrivé de rencontrer des avocat.e.s, magistrat.e.s, procureur.e.s, policier.ère.s et plein d’autres personnes actives dans ce secteur. Malheureusement, burn-out et lassitude ne sont pas restés sagement à la porte des palais de justice… Ils y sont entrés et y ont fait des dégâts comme partout ailleurs. Les institutions au sens large sont des machines à épuisement.
Le manque de moyens attribués à la justice se répercute sur :
- La vitesse à laquelle les affaires sont traitées ;
- Le temps qu’il est possible d’y accorder afin de bien cerner les enjeux et donc d’éviter des dégâts majeurs ;
- La formation des intervenants ;
- Le nombre de membres du personnel actifs pour que la machine tourne ;
- Etc.
À nouveau, je ne cherche ni à défendre, ni à excuser la justice. Mais comprendre et être conscient de ce manque de moyens permet de prendre un peu de recul et d’éviter de tomber dans le « c’est contre moi ».
Piste 3 : en ce qui concerne la rupture avec un manipulateur, les « experts » sont à côté de la plaque !
Si vous m’avez trouvée un peu trop tolérante jusqu’ici, rassurez-vous, je vais l’être nettement moins à propos des « experts ». Heureusement, certain.e.s arrivent à voir clair et à éviter que des situations s’enveniment encore et que des enfants soient, par cette obligation de garder un lien avec un père violent, encore plus exposés à la violence. Mais les situations où les expert.e.s nommé.e.s par le/la juge voient clair sont tellement rares… Ça me désespère profondément !
Presque chaque jour, je reçois des femmes pleines d’espoir parce qu’elles ont obtenu une expertise. Quelques semaines plus tard, elles reviennent anéanties. L’expertise est passée complètement à côté de la perversité de la situation, le manipulateur ayant réussi à manipuler ! Les dégâts sur les enfants sont immenses. Non seulement parce qu’ils devront continuer à appliquer le système de garde, et donc continuer à subir de la violence. Mais aussi parce que ces enfants trouvent rarement des adultes de référence qui les croient ! Leur souffrance est tellement peu reconnue. L’impact sur l’estime de soi est énorme. Je suis toujours glacée quand j’entends qu’un enfant qui a raconté des scènes de violence terribles reçoit comme réaction : « C’était de la maladresse ; il ne le fera plus. ». Ou autre variante : « C’est le passé, on ne peut pas revenir sur le passé. »
Je suis nettement moins indulgente avec les experts parce qu’ils sont (normalement) formés, censés continuer à se documenter et payés cher pour leurs expertises. Leur parole est décisive. Malheureusement, ils restent encore trop influencés par les inepties freudiennes, le syndrome d’aliénation parental de Gardner, l’image de la mère hystérique qui ne veut pas donner la place au père, etc. Les cendres de l’explosion que provoquent les experts au sein des familles retombent sur le système judiciaire qui ne voit rien non plus.
Si vous désirez approfondir le sujet, je vous invite à lire un autre article disponible sur mon site : Séparation avec un manipulateur : comment faire face à une justice qui condamne le plus souvent les victimes ?
Piste 4 : les décisions dramatiques ne sont pas assez contestées
Les points expliqués ci-dessus nous mènent naturellement vers les décisions dramatiques qui sont prises. Le but de cet article est que vous compreniez mieux les rouages et les problématiques de la justice afin de développer, avec votre avocat.e, une meilleure stratégie. Par manque de moyens, à cause d’expertises désastreuses et de croyances encore trop ancrées et poussiéreuses, les enfants sont trop souvent laissés à leur parent bourreau. Plus nous parlerons de ces phénomènes, plus nous obligerons le système à regarder la réalité en face et à bouger !
Je sais… Tout cela prend du temps ! Mais, millimètre par millimètre, nous allons y arriver. Il y a déjà pas mal de choses qui sont en train de changer. J’ai eu l’occasion de donner quelques conférences au sein de palais de justice ou face à des jeunes avocats. Il faut continuer à œuvrer !
Ce qu’il est important de savoir, c’est que, malgré les décisions dramatiques, vous avez la possibilité d’outiller vos enfants pour limiter les dégâts : en lisant, en vous faisant aider par des professionnels qui connaissent les mécanismes, en participant à des conférences et ateliers, etc. VOUS AVEZ un tas de choses à faire et à mettre en place, un tas de choses sur lesquelles vous pouvez agir bien plus que vous ne le pensez !
Ces décisions dramatiques le sont à la fois pour le collectif et l’individuel :
- Pour le collectif, parce qu’on a l’impression que ça ne changera jamais et que chaque décision prise dans le mauvais sens alimente le moulin des systèmes pervers ;
- Pour l’individuel, parce que les enfants et familles doivent faire preuve d’une force de résilience incroyable pour ne pas sombrer. Un enfant qui n’est pas entendu et pas cru parce que sa mère est considérée comme aliénante, possessive ou hystérique est un enfant qui sera exposé à de grandes souffrances et à beaucoup de violence.
Piste 5 : les femmes qui se séparent d’un manipulateur ne travaillent pas assez leur positionnement
Une victime d’emprise est fatiguée, éreintée et elle n’a plus beaucoup d’espace mental disponible pour faire face à un système qui a du mal à comprendre les situations toxiques et relaye trop souvent ces histoires au rang du conflit parental.
Les mères et les femmes sont inquiètes. Elles sont prêtes à tout pour épargner à leurs enfants les horreurs qu’elles ont elles-mêmes subies. Elles sont prêtes à hurler s’il le faut. Et c’est bien ça le problème : tout comportement s’apparentant à cette fameuse « hystérie féminine » (dont on sait maintenant que c’est de la vaste fumisterie d’hommes blancs soi-disant médecins ayant pour objectif d’asservir la femme) sera retenu contre elles et donnera au père tout le champ possible pour se faire passer pour la victime à qui l’on refuse de laisser son rôle. Je simplifie et je raccourcis un peu pour les besoins de l’article. Mais, franchement, on en est là ! Encore et toujours…
Donc, si vous êtes dans ce genre de situation, faites-vous aider pour travailler votre positionnement ! Il fait partie des outils de la stratégie et des choses à mettre en place pour éviter le pire. C’est essentiel. Un positionnement aligné, objectif, sans accusation infondée et centré sur les besoins et le bien-être des enfants jouera en votre faveur.
Pour terminer sur une note positive d’espoir, je tiens quand même à saluer le travail incroyable que font certaines associations, certains centres et certain.e.s membres du système judiciaire. De plus en plus de personnes ont la volonté de faire bouger les choses et elles y arrivent ! Ne perdez pas espoir et soyez conscientes que les manipulateurs ont du pouvoir tant qu’on leur en accorde.
Si vous désirez faire un bout de chemin avec moi, vous pouvez prendre rendez-vous directement via l’agenda.