Quelle est la différence entre la diversité et l’inclusion ?

Quelle différence entre diversité et inclusion ? Ihsane Haouach nous explique…
Dans le dernier épisode de mon podcast “Clouer le bec au patriarcat”, j’ai eu le plaisir de recevoir Ihsane Haouach, une femme inspirante, impressionnante et d’une humanité désarmante. Ihsane, c’est une voix forte, une pensée affûtée et un regard plein d’éclat sur le monde malgré tout ce qu’elle a traversé. On a parlé de cyberharcèlement, de racisme, de sexisme… Ihsane m’a raconté ce que c’est que d’être une femme musulmane et engagée dans un monde qui voudrait nous enfermer dans des cases. Elle partage ses expériences, ses blessures, mais surtout sa force et son humour parce que oui, elle est drôle et cela rend ses prises de parole encore plus percutantes ! Au-delà du constat, on a aussi voulu donner des pistes d’action. Comment lutter contre le sexisme, le racisme et toutes ces discriminations qui gangrènent nos sociétés ? Comment être plus inclusif dans nos vies, dans nos milieux professionnels, dans nos cercles d’amis ? Ihsane nous a partagé des clés, des conseils concrets, des outils pour éviter de tomber dans les pièges des préjugés et de la stigmatisation. Un épisode plein de messages, de concret et surtout plein d’espoir. Je vous partage ici quelques extraits de notre conversation. Pour écouter le podcast, rendez-vous sur mon compte Instagram @clouerlebecaupatriarcat où vous trouverez le lien en bio !
Qui est Ihsane Haouach ?
Ihsane, c’est une personne aux multiples casquettes. Mère de trois jeunes enfants, elle jongle avec une carrière professionnelle bien remplie, à la fois dans le domaine de l’environnement et dans celui de l’équité sociale. Ihsane s’intéresse énormément à la question du leadership, notamment à un leadership inclusif. Pour elle, ce n’est même pas un concept à part, mais une définition fondamentale de ce qu’est réellement le leadership. Ce qui est frappant, c’est la manière dont elle arrive à combiner ces différentes passions avec son quotidien, qu’elle n’hésite pas à qualifier de très cyclique. Il n’y a pas de journée type pour elle, car ses tâches varient énormément. Elle peut passer une matinée à discuter avec des pouvoirs publics sur des problématiques tarifaires de l’énergie et finir la journée à accompagner des femmes primo-arrivantes dans une association.
Au départ, son domaine d’expertise n’était pas le militantisme féministe ou inclusif, mais bien l’environnement. Cela m’a amenée à me demander : comment, d’une expertise centrée sur l’environnement, s’est-elle retrouvée à incarner cette figure de ‘Madame Inclusion’ ? Qu’est-ce qui l’a poussée à s’impliquer dans ces enjeux sociaux et féministes et comment a-t-elle navigué entre ses différents rôles ? C’est ce que nous allons voir ensemble…
Racisme, sexisme, âgisme… Le parcours d’Ihsane vers le militantisme féministe et inclusif
Ihsane s’est vraiment découverte féministe en travaillant. Lors de notre discussion, elle m’a raconté comment son parcours professionnel a été marqué par une série d’injustices, notamment dans un milieu de travail très masculin et majoritairement blanc où elle a souvent été confrontée à des stéréotypes, du racisme, du sexisme et même des agressions. En tant que femme musulmane portant le foulard dans un tel environnement, elle a dû gérer de nombreux jugements et attaques, souvent en silence, faute de pouvoir se défendre à l’époque.
C’est en découvrant la réalité du féminisme, en tant que femme d’origine étrangère dans un secteur dominé par les hommes, qu’elle a réellement pris conscience des enjeux d’inclusion et a commencé à s’impliquer davantage, en dehors de son travail dans l’énergie. Cela l’a menée à des activités sociales et politiques, notamment à travers des associations, du théâtre et de l’éducation.
Son parcours a pris une nouvelle tournure lorsqu’elle a été propulsée sous les projecteurs, en grande partie parce qu’elle était la première femme portant le foulard à occuper un poste en politique (même si c’était un petit poste en soi 😉). Ce n’était pas un objectif pour elle, mais un accident de parcours, qu’elle a finalement accepté, tout en restant consciente de la pression et de la visibilité accrues qui en découlaient. Elle s’est alors posé cette question : pourquoi ne pas mettre à profit tout ce qu’elle avait appris dans le secteur privé où elle s’était assez bien développée pour faire quelque chose de bien pour la société ? Elle avait ce sentiment d’urgence, ce besoin profond de donner du sens à son parcours en apportant sa contribution à un monde plus juste. C’était comme une évidence : elle pouvait utiliser ses compétences et son expérience pour servir une cause qui lui tenait à cœur.
Victime de cyberharcèlement, Ihsane démissionne au bout de six semaines…
J’avais envie de revenir sur cet épisode de la vie d’Ihsane, parce que c’est un moment clé, un événement marquant qui en dit long sur les violences systémiques que peuvent subir les femmes, surtout quand elles incarnent plusieurs identités minorisées. On pourrait croire que son voile était le problème, mais en réalité, ce qui dérangeait, c’était qu’elle soit une femme, jeune, d’origine étrangère, et qu’elle ait accédé à un poste de pouvoir.
Lorsqu’elle a accepté d’être commissaire du gouvernement pour l’égalité entre les femmes et les hommes, elle savait que ce serait un engagement bénévole, mais porteur de sens. Elle ne s’attendait pas, en revanche, à devenir la cible d’un harcèlement d’une rare violence. Plutôt que de débattre du fond (la neutralité de l’État, par exemple), les attaques se sont portées sur elle, personnellement. Sur les réseaux sociaux, on traquait ses moindres faits et gestes, on cherchait à savoir où elle vivait, qui était son mari. Certains commentaires allaient jusqu’à dire qu’elle ferait mieux de “rester à la maison” ou qu’elle était “une menace pour la démocratie” simplement parce qu’elle était instruite et engagée.
Ce harcèlement a eu des conséquences directes sur sa carrière : certaines entreprises ont cessé de collaborer avec elle et son droit de réserve en tant que commissaire l’empêchait de s’exprimer librement. En seulement six semaines, elle a été poussée à la démission. Cette expérience a renforcé sa conviction : le problème n’était pas son voile, mais ce qu’elle représentait. Depuis, elle milite pour déconstruire les jugements liés aux apparences et promouvoir un modèle de dialogue “OPEN” qu’elle a développé dans son livre Open up your organization.
C’est quoi le modèle OPEN qui favorise l’inclusion ?
Ce modèle repose sur quatre piliers : l’Ouverture, la Patience, l’Empathie et le Naturel.
Ihsane l’utilise autant dans l’accompagnement individuel que dans les entreprises. Son objectif ? Favoriser une véritable inclusion, qui ne se limite pas à faire entrer quelqu’un dans un système existant, mais qui implique une adaptation mutuelle.
Ihsane insiste d’ailleurs sur un point clé : l’inclusion ne doit pas être une contrainte pour celui qui arrive, mais une dynamique collective. Trop souvent, on demande aux individus de s’intégrer, de se conformer, sans questionner l’environnement dans lequel ils évoluent.
Le “N” de son modèle, le naturel, est fondamental. Pour Ihsane, être naturel, c’est être soi sans effort, sans se forcer à rentrer dans un moule. Attention, ça ne veut pas dire qu’on doit être 100 % naturel en permanence ! Il s’agit plutôt d’un équilibre à trouver en fonction des contextes : en famille, on peut être plus naturel et moins ouvert, alors qu’au travail, c’est souvent l’inverse. Le problème, c’est quand on se force trop à être ouvert pour s’intégrer, au point de s’oublier soi-même. Elle-même l’a vécu en entreprise : au début, elle acceptait tout, pensant que c’était la seule façon d’être acceptée. Avec le temps, elle a compris que ce n’était pas à elle de se plier au système, mais au système d’évoluer aussi pour inclure des profils différents.
Et là, elle pointe un vrai biais qu’on retrouve souvent en entreprise : le fait de penser qu’on est déjà assez ouvert. Elle raconte que certains dirigeants lui affirment sans hésiter : “Chez nous, il n’y a pas de problème de diversité”. 🚨 Pour elle, c’est un gros signal d’alerte ! Car “être ouvert”, c’est être en questionnement constant. C’est se demander si on ne passe pas à côté de certaines réalités, plutôt que de présumer qu’on a tout compris.
Elle illustre ça avec une anecdote marquante : une dirigeante lui racontait que, juste après avoir eu son premier enfant, son patron lui avait dit, avec la meilleure intention du monde : “Ne t’inquiète pas, tu ne voyageras plus”. Mais qui avait décidé pour elle qu’elle ne voulait plus voyager ? Cette bonne intention était en réalité une manière de limiter ses choix sans lui laisser la parole.
Et c’est exactement ça, le cœur du problème : trop souvent, on décide à la place des personnes concernées. Or, l’inclusion, ce n’est pas juste “penser pour les autres”, c’est les intégrer aux discussions, leur laisser l’espace de s’exprimer. Et ça, ça demande de l’humilité, une qualité essentielle du leadership, bien loin de l’image d’un leader sûr de lui qui ne se remet jamais en question.
Ces biais qui confirment nos préjugés…
Ihsane explique comment nos préjugés se confirment constamment à travers des exemples concrets et l’importance de comprendre qu’il n’y a pas une seule réalité. Elle utilise des anecdotes pour illustrer ce mécanisme de confirmation des biais. Par exemple, lorsqu’on voit une vieille dame conduire, on peut inconsciemment être plus agressif et attentif à ses erreurs, ce qui confirmera notre préjugé selon lequel elle est une mauvaise conductrice. Cette situation crée un cercle vicieux où notre perception est renforcée, et ce qui pourrait être une simple interaction devient un préjugé confirmé.
Elle souligne également que cette manière de voir le monde est dangereuse, car elle perpétue les stéréotypes et les discriminations. La société, par ses systèmes et ses représentations, contribue à valider ces préjugés.
D’autre part, Ihsane explique que pour comprendre les autres et éviter ces pièges, il est indispensable de reconnaître qu’il n’y a pas une seule réalité. La communication interpersonnelle et la gestion des conflits reposent sur cette idée : il faut se mettre à la place des autres et comprendre leur perception pour éviter les malentendus et avancer vers des solutions communes. C’est en prenant conscience de cette multiplicité des réalités que l’on peut vraiment progresser vers plus d’empathie et d’inclusivité.
Pour conclure l’article, je dirais qu’une des choses qui m’a le plus marquée lors de ma conversation avec Ihsane, c’est sa capacité à ne pas laisser la colère ou la haine envahir son quotidien. Au lieu de se concentrer sur la revendication ou la colère face aux injustices qu’elle a vécues, elle a choisi un chemin de paix intérieure, en se libérant de la haine qui pourrait l’envahir. Cette approche, qu’elle explique en partie par l’influence de sa mère et d’un conseil de son père, lui permet de garder son cœur “pur”, comme elle le dit. C’est une vision inspirante de la résistance, celle qui permet de ne pas se faire “bouffer” par les attaques extérieures. En mettant en place des barrières pour éviter que la haine ne prenne racine en elle, Ihsane continue d’évoluer, en restant fidèle à elle-même et en s’assagissant avec le temps. Sa démarche n’est pas de nier ou minimiser le racisme, mais de le transcender, de ne pas se laisser capturer par la colère, et ainsi de rester maîtresse de ses propres émotions et de son parcours. C’est une forme de militantisme non pas dans la lutte contre, mais dans la recherche d’une paix et d’une compréhension plus profondes.
Encore un grand merci à Ihsane d’avoir accepté mon invitation. Vous trouverez tous les liens concernant Ihsane Haouach (livres, réseaux sociaux, etc.) dans la description de l’épisode de podcast.
N’hésitez pas à me suivre sur @clouerlebecaupatriarcat et si le cœur vous en dit, à découvrir mon livre Clouer le bec au patriarcat. Et grande nouveauté : il y a maintenant une newsletter ! Abonnez-vous via mon site 💻 !